Le Congo Océan ne répond plus

« Le convoi s’ébranle, agressant notre sens de l’ouïe avec un concert de grincements furieux, la ferraille frottant contre la ferraille étant génératrice d’agacement. Des pièces soudées par la rouille et le temps se remettent en mouvement en hurlant leur désaccord. Cette longue plainte assourdissante accompagne le lent départ d’un train qui s’enhardit en augmentant peu à peu sa célérité. Encore faut-il s’entendre sur ce mot ; ici, la griserie que l’on ressent d’ordinaire n’est pas de mise. J’estime que la vitesse de croisière que nous adoptons frise les vingt-cinq kilomètres à l’heure. Cette allure, que certains mauvais coucheurs assimileraient à celle pratiquée par une tortue dopée, est amplement suffisante pour qui prend soin de ses abattis. En effet, le train s’efforce de progresser sur une voie dégradée ; les rails semblent avoir été posés par des alcooliques tant le tracé est fantaisiste. Les wagons tremblotants paraissent possédés par la danse de Saint-Guy. Nous sommes ballottés en tous sens et avons le plus grand mal à conserver une attitude digne de notre rang. »